Un héritage
industriel minier
En janvier 1986, les mines s’arrêtent définitivement à Loos-en-Gohelle et referment tout un pan de l’histoire locale commencée en 1845 avec le creusement du premier puit. La ville en comptera sept au total et huit terrils. Toutes les infrastructures minières qui persistent, marquent fortement le territoire, sous forme de friches industrielles, d’affaissements miniers, de logements ouvriers parfois très inconfortables. Il a d’ailleurs fallu en démolir 1.100 en quelques années. D’autres séquelles sont particulièrement invalidantes, comme la perturbation du réseau hydrographique de surface et aquifère. A tout ceci, s’ajoute une déshérence sociale et économique. Le territoire est en crise systémique ; crise pas suffisamment anticipée et pour laquelle les solutions de gestion n’ont pas été suffisantes. En effet, l’Etat a bien mis en place des programmes lourds de réindustrialisation (par exemple sur l’automobile ou à travers le Fonds d’industrialisation du Bassin minier), de mise à niveau des réseaux, de verdissement des friches ou de traitement de voiries/logements mais cela n’a pas suffit face à l’ampleur du problème. La perte de 220 000 emplois ainsi qu’un retard considérable dans l’urbanisme, le logement, la formation, la culture, etc, sont la cause d’une crise profonde, dont le territoire subit encore les effets aujourd’hui.
Au-delà de la crise économique, sociale ou sanitaire, la crise est aussi culturelle et identitaire. La rupture avec un modèle mono-industriel qui se déployait dans toutes les strates de la société ouvrière, détruit de
nombreux repères sociaux et altère le regard que les habitants portent sur eux- mêmes : dans la période d’après-la seconde guerre mondiale, le mineur était un héros qui sauvait la France, dans les années 80 il est devenu un chômeur, incapable de prendre son destin en main car non-formé pour exercer un autre métier, ayant travaillé sous le joug du paternalisme ouvrier, vivant dans une région que toute la France identifie comme le Pays Noir, les corons, la misère…
La présence des terrils, symbolise cette histoire
et ce passage du noir au vert.
Des friches, des friches et encore des friches
Un terril est un amas de résidus issus de l’exploitation minière. A l’époque carbonifère, des sédiments se sont déposés ainsi que des matières végétales pour former la houille. En ces temps bien lointains, la région était une immense lagune sous un climat tropical et il a fallu 350 millions d’années pour que ces dépôts deviennent du charbon. C’est d’ailleurs pour cela qu’il s’agit d’une ressource énergétique non renouvelable car l’extraction est infiniment plus rapide que la dynamique de formation. En clair, pour avoir de nouveau un bassin minier, il faudrait attendre de nouveau des millions d’années. A partir des années 50, la bataille du charbon battait son plein et le site 11/19 était un siège d’exploitation. Il regroupait donc la remontée de matériaux issus de plusieurs puits communiquant en profondeur. Ceci explique la surface et le volume incroyable de ces « montagnes » : une centaine d’hectares et 24.000.000 de m3. A cela s’ajoute la présence de « chevalements » et de bâtiments d’exploitation qui, dans les années 90, font encore figure de friches industrielles. La reconnaissance de leur indéniable valeur patrimoniale, ainsi que la difficile préservation et la réhabilitation de ces bâtiments, n’ont été possibles qu’après d’intenses luttes politiques et culturelles. Ces éléments issus de l’activité industrielle, donc considérés comme des friches, sont pourtant des marqueurs forts dans le paysage. Les terrils du 11/19 sont quasi mimétiques des pyramides de Khéops, dont ils ont presque exactement la même hauteur. Dès la fin des années 80, un petit collectif créé à l’initiative de Jean-François Caron (qui devient maire de Loos-en-Gohelle en 2001 et l’est encore aujourd’hui), qui prendra plus tard le nom de « Chaîne des Terrils », décide de militer pour conserver les terrils du 11/19, encore propriété des Houillères du Nord-Pas-de-Calais, mais également une soixantaine d’autres terrils sur l’ensemble du Bassin minier, fermement décidés à en faire reconnaître la valeur historique, symbolique et biologique.